Monsieur Kojirô Eikishi est quelqu'un d'introverti. Il n'est pas vraiment timide, mais ne va pas vers les autres. Il a travaillé dur toute sa vie, se dévouant corps et âme à son petit travail d'employé de bureau. Il n'a strictement aucune vie privée et vivait dans un petit appartement de Tokyo, un endroit un peu délabré. Lorsqu'un beau jour, il vit dans un journal une petite annonce : "Immense manoir à vendre d'urgence". Ces simples mots l'avaient étrangement attirés. Pourtant ce n'était que des mots sur du papier, mais l'attirance qu'il éprouvait était vraiment forte. Alors Kojirô s'intéressa à l'annonce plus en détail. Les six petits mots accompagnaient une photo plutôt sombre. On distinguait seulement la forme de la bâtisse et le contraste du sombre et du blanc/gris du papier journal. Ne voyant rien Kojirô n'y fit pas plus attention, reprenant sa petite vie. Puis un jour la curiosité, et surtout cet étrange attrait, l'emportèrent. Il contacta l'agence immobilière en charge de ce manoir. La voix masculine qui décrocha semblait irréel tant elle était parfaite. Elle était chaude et séductrice à l'autre bout du combiné l'invitant à venir visiter la maison quand il le voudrait. Kojirô n'est pas attiré par les hommes mais cette voix était irrésistible. Il ne voulut pas visiter le manoir, mais une fois de plus il était tellement intrigué et charmé (sans le savoir) qu'il finit par poser une journée de congé pour aller à Tokoshino. Il faut préciser que c'était la première fois qu’il prenait un congé. Pour vous dire comme la situation est loufoque...
A la gare de Tokoshino, un agent immobilier vraiment très séduisant et très bien habillé était venu accueillir Kojirô, souhaitant qu'il trouve le manoir à son goût. Lors de la visite, Kojirô fut envoûté définitivement par cette manoir. Il ne savait pas ce qu'il lui trouvait, car le manoir était sale et vraiment pas entretenu. Mais il l'adorait ! Ce manoir est également beaucoup trop grand pour lui seul. Kojirô s'arrangea avec l'agent immobilier. La maison était vendue à un prix si bas qu'il en était improbable. Notre homme signa l'acte de vente et tous les papiers associés à cela. Toutes les terres autour du manoir étaient vendues avec ! De retour à Tokyo, il eut l'impression de sortir d’un rêve. En voyant tous les papiers dans ses mains, il trouva son geste déraisonnable et complètement dingue. Etant le dernier descendant de la petite famille Eikishi, cela paraissait encore plus invraisemblable de faire un tel investissement. Ne comprenant pas son geste, Kojirô y réfléchissa longuement, mais jeta vite cette affaire dans un coin de son appartement.
A l'âge de soixante-dix ans, il fut l'heure de la retraite. Kojirô avait quelques économies avec lesquelles il pensait partir en voyage. Mais le problème du manoir revint au galop. Qu'en faire ? C'était un investissement vraiment inutile. Kojirô contacta l'agence immobilière qui le lui avait vendu. L'homme n'avait pas changé de voix, malgré toutes ces années passées. Sa voix était toujours si agréable, mélodieuse, tendancieuse. Kojirô expliqua alors son problème d'avoir fait cette acquisition ridicule. L'agent lui rétorqua d’une voix sans appel que le manoir pouvait servir de maison de vacances. Kojirô lui raconta ses projets de voyage. L'agent immobilier sortit l'argument ultime : "Pourquoi ne louez-vous pas les chambres du manoir ? Ainsi vous pourrez faire les voyages que vous voulez grâce aux bénéfices. Et il y a beaucoup de gens qui recherchent un logement par-ici, car il y a une grande université dans notre belle ville." Kojirô ne put que croire l'agent immobilier, alors il accepta et chargea son interlocuteur de s'occuper de la location. Kojirô revendit son appartement de Tokyo et fit une escale à Tokoshino pour régler les papiers concernant la location des chambres. Ainsi notre propriétaire put partir en voyage sans soucis. Du moins c’est ce qu’il crut.
Kojirô loue désormais les chambres du manoir depuis novembre 2008. Et effectivement beaucoup de gens avaient besoin d'un simple logement comme ces locations. Mais à peine huit mois plus tard (juillet 2009), la plupart des locataires s’en allèrent les uns après les autres. Pourquoi ? Il y a eu des blessés de façon étrange. Et en octobre 2009, il y eut un mort. Le cadavre d’un garçon du nom de Riku a été retrouvé dans le salon. Son corps était trempé et… méconnaissable, car sa tête avait presque explosé. Je dis bien « presque », car elle était encore présente et attachée au reste du corps. Son visage ne ressemblait même plus à quelque chose d’humain. Du sang avait éclaboussé les murs et le mobilier. Une mort peu enviable, me direz-vous. Une enquête fut ouverte bien sûr. L'état du corps faisait penser à un meurtre. Oui, c’est ce que tout le monde crut. Seulement l’autopsie du corps prouva que c’était une mort naturelle, mais son état ne pouvait s’expliquer. Apparemment le garçon n’avait pas d’ennemi capable d’aller jusque là. Alors la police classa l’histoire dans les affaires non-résolues. Kojirô était bien sûr revenu à Tokoshino, car le manoir lui appartient. Une fois l’histoire en partie réglée, tous les locataires partirent, sauf deux. L'un est un garçon dragueur et inconscient du nom de Katsuhiko Hiragii et l'autre est Mamana Sherizawa, une jeune femme qui n'est pas souvent là ou du moins que l'on ne voit que très peu. Pourquoi ces deux-là sont toujours là ? Simplement parce qu'ils sont les deux seuls à être souvent absents du manoir. Mamana travaille la nuit et il lui arrive de ne pas rentrer pendant plusieurs jours pour dormir à son bureau. Katsuhiko, lui, passe son temps à s'amuser à l'extérieur. Ces jeunes gens ne connaissaient que peu des anciens colocataires. C'est pourquoi lorsqu'ils furent tous partis, ils pensaient qu'il n'avait rien à craindre en restant au manoir Eikishi puisque le tueur avait dû partir aussi...
En décembre 2009, Kojirô repartit en vacances. Mamana et Katsuhiko, peu inquiets, semblent ne pas savoir les raisons de ce qu'il s'est passé, ni les circonstances.