Eyvind avait choisi de tout organiser pour cette soirée Halloween. Il était arrivé à l’hôpital, il n’y pas si longtemps, et beaucoup pourrait dire que cette initiative venait du fait qu’il voulait à tout prix se faire accepter et se faire bien voir par le personnel et les internés de l’Iroke.
Mais ceux qui pensaient ça avaient tout faux.

Eyvind s’était lancé corps et âme dans la préparation de cette fête pour la simple et bonne raison qu’il n’avait jamais fêté Halloween de toute sa vie. Il s’était abondamment documenté à ce sujet, avait fait la liste des « must » pour que tout soit bien réussi.
Il avait posé devant toutes les chambres des invitations –faites main puisqu’il n’avait pas encore eu le loisir de comprendre comment un ordinateur avait bien la possibilité de fonctionner- puis s’était occupé de la décoration de la salle commune.

Tout cela en plus de ses heures obligatoires de travail. Et comme il s’y était pris à la dernière minute, il avait passé une nuit blanche à découper des banderoles et à dessiner de joyeuses petites créatures nocturnes sur des banderoles oranges et noires. Personne n’avait eu l’idée de se proposer pour l’aider…et à son avis, ce côté blasé chez le personnel venait du fait que personne ne prenait les choses en main pour instaurer une bonne ambiance dans l’hôpital.
Bon sang ! Ce n’était pas parce qu’ils vivaient au milieu d’aliénés et d’étranges créatures que leur existence devait se résumer à un quotidien banal et triste.

Il était 18h50, et le psychologue acheva de poser une énième banderole avant de jeter un coup d’œil sur le buffet. Il manquait pas mal de gâteaux et de boisson, mais il avait demandé au cuisinier de s’en charger, et il croisait les doigts pour que celui ci soit compréhensif. Il avait consciencieusement détaillé le menu à l’intéréssé se basant sur les préférences et difficultés alimentaires de ses patients. Ainsi, en plus des bonbons avait-il demandé des fruits pour Takanori qui avait la phobie de grossir.

Les « invités » allaient bientôt arriver et Eyvind jeta un coup d’œil à l’ensemble. Bien…il était plutot satisfait de lui. Les yeux cernés, il s’étira un peu avant d’appuyer sur la chaine stéréo pour attirer les gens dans la salle commune. Un son un peu rock en sortit. Puis il remarqua qu’hormis ses cernes violacées, il n’était pas déguisé. Costard cravate, voilà qui ne collait pas trop au thème. C’est pour cela qu’il attendit patiemment qu’un autre membre du personnel veuille bien se bouger les fesses jusqu’ici pour cadrer les internés. Et oui.. ;Qui dit festivité dit aussi risque de débordements.

Naoki avait été prévenu à la dernière minute de l'organisation d'une soirée sur le thème d'Halloween. Ou plutôt du fait que c'était à lui que revenait la charge de préparer la nourriture pour l’évènement. Il s'y était attaqué en début de matinée, mais une chose en entraînant une autre il était déjà 18h50 et rien n'était encore prêt !

Les sablés étaient encore sous forme de pâte crue, les cakes à la citrouille n'étaient pas encore au four et les fruits n'étaient même pas épluchés ! La panique commençait doucement à monter en lui et il se retenait de hurler un bon coup pour faire baisser la tension de peur d'inquiéter quelqu'un.

Il inspira puis expira lentement et se remit au travail : Il mit les cakes à cuire puis étala la pâte sablé et détailla les biscuits avec des emporte pièce de différentes formes et les mit au four à leur tour. Il éplucha les pommes et les poires qu'il plaça dans des tartes déjà cuites pour les passer ensuite au chalumeau histoire de leur donner de la couleur. D'autres cakes furent préparés et une fois que tout fut cuit il pu fignoler les derniers détails comme le glaçage des sablés etc...

Il prépara rapidement les boissons et installa les gâteaux sur des plats transparents.

Enfin il pouvait respirer correctement et son cœur ne battait plus aussi vite maintenant que le stress de son retard s'était envolé.
Il prit quelques secondes pour souffler et se rendit compte qu'il était toujours habillé de la même façon que le matin même alors qu'il s'était préparé pour travailler.
Il sortit de la cuisine en trombe et monta les marches menant aux étages où se trouvaient les chambres quatre à quatre. Naoki ouvrit précipitamment la porte de sa chambre pour ensuite entrer dans sa salle de bain, prendre une douche rapide et se planter devant son armoire, se demandant en quoi il allait bien pouvoir se déguiser en sachant qu'il n'avait pris aucun costume avec lui. Se souvenant soudain qu'il avait, dans un de ses tiroirs, du faux sang, il enfila des vêtements semblables à ceux d'un magicien, trouva un chapeau haut de forme et se couvrit de sang factice.
Il ne savait pas vraiment s'il était un magicien tueur, ou un magicien tué, ça, il aurait bien le temps d'y penser plus tard.

Notre cher cuisinier redescendit les escaliers, retourna dans la cuisine, mit tout ce qu'il avait préparé sur une desserte roulante et emporta le tout dans la salle commune.
Dans le couloir le conduisant à celle-ci on pouvait remarquer que la musique résonnait déjà, à nouveau stressé il accéléra le pas et entra dans la pièce qu'il découvrit vide à l'exception de deux hommes, dont, il lui semblait, un membre du personnel.
Il ne prit pas la peine de les saluer et installa la nourriture sur buffet prévu à cet effet. Enfin il pu se détendre totalement et alla saluer celui qui était, à son souvenir, un collègue.

Halloween... Il n'espérait même plus le faire un jour, et pourtant... Voilà qu'il se retrouvait au milieu de la salle commune sans y connaitre personne, et déguisé qui plus est. Ça lui semblait quand même un peu étrange de faire ça à son âge... La plupart des gens déguisés qu'il croisait dans les rues quand il était jeune n'étaient que des mômes de 12 ans, avec une grosse marge d'erreur, ayant la permission de minuit, ou des plus petits n'ayant même pas 10 ans accompagnés de leurs parents, pour la plupart pressés de rentrer bien au chaud, l'âge rend frileux parait-il, se reposer de leur journée et regarder leur série du soir bien au chaud dans un canapé. Enfin, ce n'était là que la plupart car il avait aussi croisé quelques personnes de son âge actuel ou plus. Il ne savait pas s'il y aurait beaucoup de monde, et encore moins s'ils viendrait déguisés, mais au final ça n'était pas si mal, déjà quelques gens et tous déguisés, ça le rassurait un peu... Il se sentait un peu moins 'étrange' comme ça...

Il s'était, à son goût, assez lâché sur le déguisement. Il était tombé sur l'invitation en se réveillant en plein milieu de l'après-midi, après avoir entendu du bruit dans le couloir, et était resté planté devant sa porte, en boxer, une bonne dizaine de minutes à regarder le papier, crisant à moitié de ne pas être capable de le comprendre, avant de se calmer et de demander qu'on lui explique... A son plus grand bonheur. Son premier Halloween. Rendu dans un magasin dans la même après-midi, il avait longtemps hésité devant un veste de chimie comme en ont les lycéens pendants leurs cours, ou une simple tenue d'infirmière comme on en croise partout dans les hôpitaux, ceux normaux. Ayant déjà une vague idée en tête mais rien de bien concret, et que très peu d'argent dans les poches, il avait finalement choisit la blouse d'infirmière, quelques tailles au dessus de la sienne - soit du 40 au lieu de 34 - histoire qu'elle lui descende jusqu'au genoux. Et c'est que ça taillait serrant ces conneries ! La blouse avait beau lui descendre assez bas à son goût, le haut restait quand même assez serrant, quoi que un peu flottant sur le devant vu qu'il n'avait rien pour remplir... Parfait. Amusé, il s'était ensuite dirigé vers le rayon peinture. Il avait au début hésité avec de l'encre rouge pour stylo plume, mais une réminiscence d'un ami fan de peinture lui avait un jour dit que l'acrylique ne s'en allait pas facilement. Soit, il prendrait alors de l’acrylique. Rouge. Et marron. Un petit tube de chaque en main, il s'en était allé chercher des lames de rasoir. La pauvre blouse allait passer un sale quart d'heure... Un masque blanc en tissu simple, comme celui des dentistes, avait fini entre ses mains après être passé sous ses yeux. La question des chaussures ne se posa pas longtemps : il n'avait plus assez d'argent pour acheter même une simple paire de tongs, et de toute façon il avait décidé d'y aller pied nu. Et puis, il était toujours pieds nus de toute façon, alors il ne s' inquiéta pas de ce qui pouvait traîner par terre. Et il avait eu raison. Depuis qu'il était dans cet hôpital il n'était encore rien arrivé à ses pieds.

Après ses achats, Nothing s'était directement rendu dans sa chambre, étalant tout sur son lit. La blouse/robe avait alors subit quelques... modifications. Le bas avait été entièrement déchiré, l'ourlet n'étant plus qu'un lointain souvenir. La blouse ayant déjà des manches courtes, il ne put que réduire une nouvelle fois l'ourlet au néant. Jugeant qu'il avait assez massacré la veste, pour l'instant tout du moins, il avait mélangé le rouge et le marron de façon à obtenir un liquide rouge, mais assez foncé pour ressembler à du vrai sang. La veste avait été savamment peinturlurée. Il avait imprimé sa main droite à la hauteur de son aine gauche, la faisant glisser sur une bonne vingtaine de centimètres, avant de reproduire sa main gauche tout en bas de la blouse, dans les lambeau. Pour le reste, il s'était contenté d'éclaboussures. Le masque n'avait hérité que de trois points rouges. Il avait tout laissé comme ça, à sécher, et étais aller 's'amuser' pendant une bonne heure à enlever l'acrylique de ses mains. Il avait ensuite revêtu son chef-d’œuvre une demi-heure avant de partir, le temps de fignoler le tout. Une soudaine idée lui passant par la tête, il s'était saisit d'une lame de rasoir, et avait demandé à un garçon qui passait dans le couloir de couper en diagonale sur tout son dos la blouse. Quand il avait vu le garçon commencer à soulever la blouse légèrement pour ne pas le couper lui, Nothing avait eu une soudaine nouvelle idée, de génie bien entendu. Il avait arrêté le garçon et avait tendu la blouse sur sa peau, lui demandant de couper la peau avec, pas trop profond mais de quoi faire saigner un peu – beaucoup. Il avait tourné sa tête à temps pour ne pas voir la tête presque choquée du garçon, mais il avait sentit sa main tremblante à travers la lame. Et c'est quand le garçon avait commencé à labourer sa chair qu'il s'était rendu compte à quel point il était con. Nothing, pas le garçon. Il avait vivement mordu sa main pour retenir un geignement de douleur, et s'était laissé faire. Trois diagonales. Une fois fini, Il avait relâché sa main en soupirant de soulagement. Le garçon s'était un peu inquiété de son état, mais après un sourire de Nothing et son assurance qu'il allait très bien, il était partit. Nothing avait alors été 'admirer' les plaies dans un miroir, voyant avec satisfaction que la blouse autour de la plaie s'était parfaitement bien gorgée de sang. Il fini par enlever la blouse, et, assez souple pour ça, avait pris du sang sur son dos et s'en était badigeonné les mains, avant de s'en étaler un peu partout sur le visage, les bras et même les cheveux. Ses cheveux... Dire qu'il avait failli y mettre de l'acrylique. Jamais il n'aurait récupéré leur blanc s'il avait fait ça... Le vrai sang l'arrangeait bien. Remettant la blouse, non sans avoir dessiné un pentacle le dos de la blouse, par au dessus les déchirures, il se rendit compte qu'un détail le gênait. Ses yeux... Il avait mit ses lentilles quelques heures plus tôt, mais il les retira, le rouge naturel de ses yeux plus adapté à son costume que le bleu, d'ailleurs trop bleu pour faire vrai, de ses lentilles. Parfait, il était prêt. C'est donc pieds nus, le dos charcuté, en simple boxer sous sa blouse d'infirmière, un masque blanc tâché, sa boite de lentilles glissée sur le côté de son boxer et les yeux rouges qu'il était sortit de sa chambre pour se rendre dans la salle commune. Dans la nuit, même éclairée par les lampes, sa peau blanche cadavérique habillée en blanc, surplombée de cheveux blanc contrastait parfaitement avec les traces de 'sang' qui se trouvaient sur sa blouse et les yeux rouges, le rendaient un peu inquiétants, si on en croyait le garçon -qui devait bien avoir 15 ans – croisé au coin d'un couloir et qui était parti en courant, réaction qu'il trouvait un peu abusée.

Il était donc là, planté dans la pièce, ayant eu la bonne idée de se rapprocher du mur, mais surtout du buffet en se souvenant qu'il n'avait pas mangé, trop excité par l'idée de fêter enfin Halloween. Restant pour l'instant silencieux, hormis le vague "Bonjour" qu'il avait lâché en rentrant dans la pièce, il grignotait tranquillement un bout des gâteaux préparés pour l'occasion.